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Le combat spirituel (5/5) : L’oraison

ignace LoyolaSi la défiance vis-à-vis de nous-mêmes, la confiance en Dieu et le bon usage de nos facultés sont, comme nous l’avons montré jusqu’ici, des armes si nécessaires dans le combat spirituel, l’oraison, que nous avons indiquée comme la quatrième arme, est d’une nécessité plus grande encore, puisque c’est elle qui nous obtient non seulement ces trois grandes vertus, mais tous les biens que nous pouvons espérer du Seigneur notre Dieu.

L’oraison, en effet, est le canal qui nous transmet toutes les grâces qui découlent sur nous de cette source de bonté et d’amour. Par l’oraison, si vous vous en servez bien, vous mettrez dans la main de Dieu une épée avec laquelle il combattra et triomphera pour vous. Or, pour bien user de l’oraison, il faut que vous soyez habitué, ou que vous mettiez tous vos soins à vous habituer aux choses qui suivent :

  1. Premièrement, il faut qu’il y ait toujours dans votre cœur un désir ardent de servir sa majesté souveraine, en toutes choses et de la manière qui lui plaît davantage. Pour vous enflammer de ce désir, considérez attentivement : Que Dieu mérite, plus qu’on ne saurait le dire, d’être servi et honoré à cause de l’excellence ineffable de son être, de sa bonté, de sa grandeur, de sa sagesse, de sa beauté et de toutes ses infinies perfections. Qu’il a travaillé et souffert durant trente-trois ans pour votre salut, qu’il a pansé et guéri vos plaies infectes, non pas avec de l’huile, du vin et des lambeaux de toile, mais avec la précieuse liqueur sortie de ses veines sacrées et avec ses chairs très pures déchirées par les fouets, les épines et les clous. Considérez enfin qu’il est pour vous d’une importance extrême de le servir, puisque c’est le moyen de vous rendre maître de vous-même, victorieux du démon et enfant de Dieu.
  2. Deuxièmement, vous devez croire avec une foi vive et confiante que le Seigneur est disposé à vous donner tout ce qui vous est nécessaire pour son service et votre bien. Cette sainte confiance est le vase que la miséricorde divine remplit des trésors de sa grâce, et plus ce vase est large et profond, plus abondantes seront les richesses que l’oraison attirera dans votre sein. Et comment Dieu, qui est tout-puissant et immuable, pourrait-il ne pas nous communiquer ses dons, après nous avoir fait un commandement exprès de les lui demander, et après avoir promis son Esprit à ceux qui l’imploreraient avec foi et persévérance ?
  3. Saint BrunoTroisièmement, il faut vous mettre en prière avec l’intention de faire la volonté de Dieu et non la vôtre, tant par rapport à l’acte même de la prière que par rapport à l’effet qu’elle doit obtenir ; c’est-à-dire que vous ne devez prier que parce que Dieu le veut ainsi, et que vous ne devez désirer d’être exaucé que pour autant qu’il plaira au Seigneur. En un mot, votre intention doit être d’élever votre volonté jusqu’à la volonté de Dieu, et non pas de plier sa volonté à la vôtre. Votre volonté, corrompue et gâtée par l’amour-propre, tombe souvent dans l’erreur, tandis que la volonté de Dieu est toujours unie à une bonté ineffable et ne peut jamais errer. C’est à ce titre qu’elle est la règle et la maîtresse de toutes les volontés, et qu’elle mérite et exige que toutes, sans exception, la suivent et lui obéissent. Aussi ne devez-vous demander que les choses que vous savez être conformes au bon plaisir de Dieu et, si vous avez un doute à cet égard, ne les demandez que sous la condition que le Seigneur veuille bien vous les accorder. Quant aux choses que vous savez positivement lui être agréables comme les vertus, vous les demanderez plus pour lui plaire et le servir que pour tout autre motif et tout autre considération, si pieuse qu’elle puisse être.
  4. Quatrièmement, il faut que vous alliez à l’oraison orné d’œuvres en rapport avec vos demandes, et qu’après l’oraison, vous vous appliquiez de toutes vos forces à vous rendre digne de la grâce et de la vertu que vous désirer obtenir. Il faut, en effet, que la pratique de l’oraison soit accompagnée de la pratique de la mortification et que ces deux choses se succèdent sans interruption, car ce serait tenter Dieu que de demander une vertu et de ne rien faire pour l’acquérir.
  5. Cinquièmement, que vos demandes soient précédées d’actions de grâces pour les bienfaits reçus. Dites au Seigneur : Ô mon Dieu, qui m’avez créé et racheté par votre miséricorde, qui m’avez tant de fois délivré des mains de mes ennemis que j’en ignore moi-même le nombre, venez maintenant à mon aide et accordez-moi la grâce que je vous demande, sans tenir compte de mes infidélités et de mes ingratitudes continuelles. Si, au moment de demander une vertu particulière, il se présente une occasion de vous y exercer, n’oubliez pas d’en remercier le Seigneur comme d’un bienfait signalé.
  6. Pie VSixièmement, comme l’oraison emprunte sa force et la vertu qu’elle a de fléchir le Seigneur à la bonté et à la miséricorde qui est le fond de sa nature, aux mérites de la vie et de la Passion de son Fils unique, à la promesse qu’il a faite de nous exaucer, vous terminerez vos demandes par une ou plusieurs des formules suivantes : Seigneur, accordez-moi cette grâce par votre miséricorde infinie. Que les mérites de votre divin Fils m’obtiennent la grâce que je sollicite. Souvenez-vous, mon Dieu, de vos promesses et prêtez l’oreille à ma prière. Parfois aussi, vous implorerez les grâces de Dieu par les mérites de la Sainte Vierge et des autres saints, car ils ont beaucoup de pouvoir dans le Ciel et le Seigneur se plaît à les honorer en récompense des honneurs qu’ils ont eux-mêmes rendus à sa divine majesté quand ils étaient sur la terre.
  7. Septièmement, il faut persévérer dans l’oraison : l’humble persévérance finit par vaincre l’invincible lui-même. Si les instances et les importunités de la veuve de l’Évangile ont pu fléchir un juge impie et inhumain, comment notre prière n’aurait-elle pas la force d’incliner vers nous celui qui est la plénitude de tous les biens ? Ainsi donc, quand même, après votre oraison, le Seigneur tarderait à venir et à vous exaucer ; que dis-je ? quand même il semblerait vous rebuter, continuez à prier et à tenir ferme et vive la confiance que vous avez en son secours, parce qu’en Dieu ne manquent jamais les ressources nécessaires pour faire du bien aux hommes, qu’elles surabondent au contraire sans borne ni mesure. C’est pourquoi, s’il ne manque rien de votre côté, soyez convaincu que vous obtiendrez toujours ce que vous demanderez ou quelque chose de plus utile encore, ou même les deux choses à la fois. Et plus il vous semblera que vous êtes rebuté, plus vous vous humilierez à vos propres yeux et, le regard fixé d’un côté sur votre indignité et de l’autre sur la divine miséricorde, vous vous efforcerez d’accroître votre confiance en Dieu. Si vous savez la maintenir vive et ferme, les assauts qu’elle aura à soutenir ne feront que la rendre plus agréable au Seigneur.
  8. Enfin, remerciez-le sans cesse, bénissez sa bonté, sa sagesse et son amour, aussi bien lorsqu’il vous rebute que lorsqu’il vous exauce et, quoi qu’il arrive, tenez votre âme tranquille et joyeuse dans une humble soumission à sa divine Providence.

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