Quoique la défiance de nous-mêmes soit indispensable dans le combat spirituel, ainsi que nous venons de le montrer, cependant si nous n’avons qu’elle pour défense, nous serons bientôt forcés de prendre la fuite ou de nous laisser vaincre et désarmer par l’ennemi. Il faut donc y joindre une confiance absolue en Dieu, espérer et attendre de lui seul les grâces et les secours qui assurent la victoire.
S’il est vrai que de nous-mêmes, misérable néant que nous sommes, nous n’avons que des chutes à attendre, et que de ce chef nous ne saurions assez nous défier de nos forces, il n’est pas moins certain que le Seigneur nous fera triompher de nos ennemis si, pour obtenir son assistance, nous armons notre cœur d’une inébranlable confiance en lui.
Nous avons quatre moyens d’acquérir cette vertu.
Le premier moyen, c’est de la demander à Dieu.
Le second moyen c’est de considérer des yeux de la foi la toute-puissance et la sagesse infinie de ce Dieu à qui rien n’est impossible ni difficile, sa bonté sans bornes, son amour ineffable disposé nous accorder d’heure en heure, de moment en moment, tous les secours dont nous avons besoin pour vivre de la vie spirituelle et triompher de nous-mêmes. La seule chose qu’il demande de nous, c’est que nous nous jetions avec une entière confiance dans les bras de sa miséricorde. Eh quoi ! ce divin pasteur aurait couru durant trente-trois ans après la brebis égarée, il aurait perdu la vois à la rappeler à lui ; il l’aurait suivie opiniâtrement à travers les épines et les ronces du chemin, au point d’y répandre tout son sang et d’y laisser la vie ; et maintenant que cette brebis revient à lui avec la volonté de se soumettre à sa loi, ou du moins avec le désir, faible peut-être, mais sincère, d’observer ses commandements ; maintenant qu’elle appelle et supplie son pasteur, celui-ci refuserait d’abaisser sur elle un regard de miséricorde, de prêter l’oreille à ses cris, de la prendre sur ses épaules divines pour aller se réjouir avec ses voisins, les élus et les anges du Ciel ! Ce maître si bon qui cherche avec tant de soin et d’amour la drachme de l’Évangile, image du pécheur aveugle et muet, abandonnerait celui qui, semblable à la brebis égarée, appelle à grands cris son bien-aimé pasteur ? Est-ce possible ? Et qui croira jamais que ce Dieu qui frappe sans cesse à la porte de notre cœur avec un désir immense d’en obtenir l’entrée, d’y trouver un repos qu’il aime, et d’y répandre ses faveurs, fasse le sourd et refuse d’entrer, quand ce cœur s’ouvre à lui et implore sa visite ?
Le troisième moyen d’acquérir cette salutaire confiance, c’est de rappeler souvent à notre mémoire les oracles de la sainte Écriture qui déclarent en mille endroits que celui qui espère en Dieu ne sera point confondu.
Voici enfin le quatrième moyen d’avoir tout ensemble et la défiance de nous-mêmes et la confiance en Dieu. Ne formons aucun projet, ne prenons aucune résolution que nous n’ayons auparavant considéré notre faiblesse ; munis alors d’une sage défiance de nous-mêmes, tournons nos regards vers la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu et, pleins de confiance en lui, prenons la résolution d’agir et de combattre généreusement ; avec ces armes jointes à la prière (comme nous le dirons plus tard), marchons à la peine et au combat.
Si nous n’observons pas cet ordre, nous risquons fort de nous tromper, quand bien même tout semblerait nous indiquer que la confiance en Dieu est le principe de nos actions. La présomption nous est si naturelle ; elle est, pour ainsi parler, formée d’une matière si subtile qu’elle s’infiltre à notre insu dans notre cœur et se mêle imperceptiblement à la défiance de nous-mêmes et à la confiance que nous croyons avec en Dieu.
Tenez-vous donc le plus possible en garde contre la présomption et, pour établir nos œuvres sur les deux vertus opposées à ce vice, ayez soin que la considération de votre faiblesse marche avant la considération de la toute-puissance de Dieu, et que l’une et l’autre précèdent toutes vos œuvres.
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